Il était une fois...la numération. Partie VIII la numération positionnelle maya
Publié par Jacques Bourgois, le 1 février 2023 6.6k
La civilisation maya est l’une des plus anciennes du Mexique et de l’Amérique Centrale, de 2600 avant J.-C. jusqu’à l’arrivée des Espagnols au XVIe siècle, avec son apogée vers l’an 800. Elle est reconnue pour ses avancées dans différents domaines comme l’écriture, l’art, l’architecture, l’astronomie et les mathématiques. Les Mayas ont fait d’importantes découvertes : la fabrication du caoutchouc (latex additionné de substances végétales pour le rendre moins cassant), la purification de l’eau potable (filtration utilisant les zéolithes), le chocolat (fèves de cacao additionnées de poivre ou de miel), le calendrier, le mouvement des étoiles, … Ils étaient également architectes confirmés : résidences royales, observatoires astronomiques, pyramides, … Toutes ces réalisations demandaient des connaissances mathématiques approfondies, qu’en est-il de leur numération ?
Les Mayas croyaient que la Terre était le centre de l’univers et était plate, que le soleil, la lune, les planètes et les étoiles étaient des dieux. Ces dieux étant très impliqués dans les affaires humaines, le mouvement des astres était de ce fait très étudié : chaque action humaine (agriculture, guerre, …) ne pouvait être effectuée que lorsque le dieu correspondant était en bonne position dans le ciel. C’est pour cela que les Mayas allaient devenir d’excellents astronomes, ils ont pu :
- prévoir les éclipses de soleil, les solstices, les équinoxes
- définir les grandeurs avec une exactitude remarquable pour l'époque :
- d’une année solaire (365,2520 jours contre 365,2422 jours pour l’astronomie moderne),
- d’une année des planètes par rapport à la Terre (période synodique) :
- Vénus de 584 jours contre 583,92 jours calculés par la science moderne,
- Saturne : 378 jours au lieu de 378,09 jours,
- Jupiter : 399 jours au lieu de 398,86 jours,
- Mars : 780 jours au lieu de 779,96 jours
- Mercure : 116 jours au lieu de 115,88 jours.
Pour cela, les Mayas devaient posséder une numération robuste, hélas la destruction de leurs livres (codex) lors de la conquête espagnole nous offre que peu de références à ce sujet (il n’en reste seulement quatre, conservés à Dresde, Madrid, Mexico et Paris).
Réplique des pages 66 à 68 du codex de Madrid
La numération maya est une numération positionnelle vigésimale (base 20) utilisant le 0 et munie de 3 signes : une coquille pour le zéro, un point pour l’unité et un trait pour la valeur 5. La lecture d’un nombre est verticale du bas vers le haut.
Les 20 premiers ‘chiffres’ sont les suivants en utilisant une numération additive :
Pour les nombres supérieurs à 19 la numération est positionnelle, ils sont écrits en colonnes et se lisent verticalement, la valeur de chaque étage est multipliée par 1 (ou 200), 20 (ou 201), 400 (ou 202), etc. pour retrouver les valeurs dans le système décimal et en commençant par le bas.
Exemple : nombre dans la numération maya = 1:5:10:5
La valeur décimale de 1:5:10:5 est donc : 8000+2000+200+5 = 10205
Il convient néanmoins de faire attention à l’espacement entre deux étages : faute de quoi, 6 se confondrait avec 25
Avec ce type de numération, il est possible de faire simplement des additions et des soustractions par combinaison des symboles à chaque étage. Pour les additions, si le résultat intermédiaire est égale à 5 points ou plus, 5 points sont retirés et remplacés par 1 trait. Si le résultat intermédiaire est égale à 4 traits ou plus, 4 traits sont retirés et 1 point est ajouté à l’étage supérieur.
Exemple : 3 + 22 = 25
Pour les soustractions, s’il n’y a pas suffisamment de points dans un étage donné, 1 trait est remplacé par 5 points. Et s’il n’y a pas suffisamment de trait, 1 point de l’étage supérieur est retiré et est remplacé par 4 traits à l’étage de travail.
Exemple : 46 – 10 = 36
Mais tout n’est pas si simple. En effet, les Mayas, astronomes avertis, possédaient deux calendriers pour prévoir la position des planètes afin d’organiser certaines actions humaines. Le premier nommé « Tzolk’in » à caractère religieux d’une durée de 260 jours soit 13 périodes de 20 jours, le second nommé « Haab » à caractère agricole d’une durée de 365 jours soit 18 périodes de 20 jours plus 1 période supplémentaire de 5 jours en fin d’année réputée être une période de malchance.
Ces deux calendriers ne précisent pas le numéro de l’année en cours, il était donc impossible de déterminer plusieurs événements de manière chronologique. Pour remédier à cela, les Mayas ont inventé le « compte long » qui date les jours de manière linéaire à partir d’une origine qui est le début de la création du monde soit le 11 août 3113 av.J.C. (calendrier Grégorien). Ce compte long se base sur une numération vigésimale (base 20) à une irrégularité près : numération vigésimale pure interrompue au troisième rang pour ensuite reprendre régulièrement.
Exemple :
Dans cet exemple, le nombre maya 8 :5 :16 :9 :7 correspond, en valeurs décimales, à 1 326 587 dans le système vigésimal strict et à 1 193 947 dans le système vigésimal du compte long.
Cette irrégularité provient sans doute de la volonté d’avoir un étage égal à un multiple de 360 (=20x18), valeur la plus proche du nombre de jours d’une année solaire.
Sur la stèle de la Mojarra, découverte en 1986, figure une date écrite en compte long avec la numération maya : 8.5.16.9.7 valeur égale à 8x144000 + 5x7200 + 16x360 +9x20 + 7x1 = 1 193 947 jours soit environ 3269 années après la création du monde. L’évènement décrit sur cette stèle s’est donc déroulé approximativement en l’an 156 de notre ère.
Pour les mayas et dans le calendrier Tzolk’in, le cycle du temps était 13 fois 20 jours, dans le compte long ils ont repris la base 13 pour définir un cycle de temps : soit 13 fois la durée du 4ième étage (pourquoi 13 ? pourquoi cet étage ? cela reste un mystère). Ce qui fait qu’un cycle maya dans le compte long équivaut à 13 fois 1 872 000 jours soit environ 5125 années. Le jour d’après correspond à un nouveau cycle. Avec une création du monde le 11 août 3113 av.J.C., la fin du cycle a lieu le 21 décembre 2012. D’aucuns ont prétendu que la fin de ce cycle correspondrait à la fin du monde, ce qui a fait la une des médias de l’époque. Ouf ! ce jour n’a pas été la fin du monde mais uniquement le commencement d’un nouveau cycle maya.
Les scribes mayas utilisaient également un autre type de numération, toujours en base 20, constitué de symboles en forme de têtes (glyphes céphalomorphes) comme illustré sur la figure suivante. Chaque chiffre est représenté par la représentation d’un dieu.
Ce système d’écriture était principalement utilisé sur les stèles ou bâtiments.
L’utilisation principale de ces systèmes de numération était la mesure du temps. Mais les mayanistes ont découverts que la civilisation maya avait de bonnes connaissances en géométrie notamment sur les concepts de triangle, de carré, de cercle ou de volumes simples. Hélas, il n’existe que très peu d’information à ce sujet puisque tous les codex ont été détruits lors de la conquête espagnole.
Remerciements : L'auteur remercie Aourell LANFREY (médiatrice scientifique, La Rotonde, Ecole des Mines de Saint-Etienne) de sa participation à l'élaboration de cet article.
Quelques références :
- Numération maya — Wikipédia (wikipedia.org)
- Convertisseur de Chiffre Maya - Ecriture Nombres & Conversion en Ligne (dcode.fr)
- 🔎 Numération maya - Définition et Explications (techno-science.net)
- numerationmaya - mathaulogis (wifeo.com)
- Numération (bouvant.fr)
- Numération maya : définition de Numération maya et synonymes de Numération maya (français) (leparisien.fr)
- Des chiffres aux nombres (maths-et-tiques.fr)
- les Mayas, leurs calendriers et la possible fin du monde le 21/12/2012 | Club d'astronomie de Wittelsheim (astrocaw.eu)
- Numération maya - Encyclopédie Wikimonde