L’e-cigarette, dispositif médical ou cigarette 2.0 ?
Publié par Adnane Yasback, le 19 janvier 2017 2.4k
L’e-cigarette essuie de nombreuses critiques. Mais est-elle réellement
dangereuse ?
Avec 3 millions de vapoteurs pour 15 millions de fumeurs, l’e-cigarette a réussi à s’imposer sur le marché français sans pour autant faire l’unanimité parmi les consommateurs.
Jérémie Pourchez est directeur-adjoint au Centre Ingénierie et Santé de l’école des Mines de Saint-Etienne. Depuis 10 ans, il travaille sur l’inhalation des particules et l’usage des aérosols à des fins thérapeutiques. En 2014, il oriente ses recherches vers la cigarette électronique.
Jérémie Pourchez, directeur adjoint du CIS
Mais comment fonctionne cette cigarette électronique au juste ?
Contrairement à une cigarette classique, où la fumée produite par combustion est inhalée, la cigarette électronique produit une vapeur en chauffant un mélange de glycérine végétale, de propylène glycol, de nicotine et d’arômes.
L’e-cigarette ne contient pas de produits secondaires cancérigènes, comme les goudrons ou le formaldéhyde. Si la combustion du tabac produit des produits toxiques supplémentaires, ils sont en revanche absents dans l’e-cigarette. Toutefois, certaines de ces substances ont pu être détectées dans les e-cigarettes en cas de chauffage trop intense, ou de manque de liquide, c’est le phénomène de « dry puff ». L'usager est alors alerté par un goût et une odeur très désagréable.
Composants d'une cigarette électronique
Avantages et inconvénients.
En cas de bonne utilisation, l’e-cigarette permet aux fumeurs de continuer à consommer de la nicotine sans s’exposer aux produits toxiques. C’est pour cela que l’e-cigarette est conseillée par certains médecins pour agir comme un substitut nicotinique, tel que les patchs ou les chewing-gums à la nicotine. Elle permet en effet au consommateur d’avoir un pic de nicotine au bout de 5 minutes, contre 3O minutes pour les substituts nicotiniques classiques, et a aussi l’avantage de procurer des sensations similaires à celles de la cigarette classique.
Elle est aussi avantageuse au niveau économique, puisqu’elle revient moins cher que la cigarette. Elle permettrait aussi pour la société de réduire les dépenses de santé liées au tabac, qui représentaient 544 milliards d’euros en Europe en 2009, selon les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé. Aujourd’hui, un fumeur sur deux meurt du tabac, soit 6 millions de personnes par an à l’échelle de la planète. On estime qu'ils seront 8 millions en 2030. La généralisation de la cigarette électronique pourrait donc réduire fortement ce désastre sanitaire et économique.
Cependant, comme l'explique J. Pourchez, la nicotine reste un produit addictif. L’usage de l’e-cigarette par des non-fumeurs pourrait entraîner leur basculement vers le tabagisme. De plus, les effets des différents arômes utilisés, bien que couramment présents dans l’alimentation, n’ont pas encore été étudiés lorsqu’ils sont inhalés.
Qui sont donc les détracteurs de la cigarette électronique ?
Il s’agit essentiellement de personnes faisant l’amalgame entre nicotine et tabac. Pour les industriels du tabac, la situation est plus complexe. En effet, l’e-cigarette est un produit de substitution nicotinique qui concurrence fortement la cigarette, et leur fait perdre des parts de marché. D'un autre côté, ils investissent de plus en plus dans l'e-cigarette pour s'en servir comme passerelle pour inciter les jeunes à fumer.
Campagne de presse contre l'e-cigarette
Pour Jérémie Pourchez, les bénéfices sont clairs, si on sensibilise le public à la bonne utilisation des e-cigarettes, et qu’on en restreint l'usage au sevrage des fumeurs, elles ne peuvent être que bénéfiques. À moyen terme, les recharges des cigarettes électroniques contenant de la nicotine pourraient dans ce cas être vendues en pharmacie, et être considérées comme un dispositif médical.
Bien utilisée, la cigarette électronique serait efficace.
Ainsi, l’e-cigarette n’est qu’un objet, qui peut être utilisé d'une bonne ou d'une mauvaise manière. Son évolution dépend du politique, une bonne utilisation permettrait de réduire les effets du tabagisme, mais des législations comme l’interdiction des cigarettes électroniques dans les lieux publics, soutenues par les lobbys industriels et associatifs, auraient des effets contraires. Si le souhait du gouvernement est réellement de réduire le tabagisme, une forte augmentation des prix du paquet de cigarette aurait un effet drastique et pourrait même inciter les fumeurs à se tourner vers la cigarette électronique. Cela demanderait cependant un certain courage politique, quand on sait que plus d’un tiers des français fume...
Sofiane FENIZA & Adnane YASBACK