La poix noire, spécialité ancienne du Haut-Forez

Publié par Joël Soudy, le 18 mai 2017   6.3k

Retrouvez cet article et beaucoup d'autres dans "Les Carnets d'Usson-en-Forez"


Commune très vaste et très boisée, Usson-en-Forez était le lieu principal de fabrication de la poix. Dès l'époque gallo-romaine et tout au long du Moyen-Age, cette poix aux multiples usages permettait de poisser les amphores comme les navires, les cordages comme les torches. Au début du XIXe siècle encore, elle était extraite de 16 à 17000 pins sylvestres annuellement. Chaque hameau avait son four. Puis tout s'arrêta et la végétation reprit ses droits sur les entonnoirs et les bassins non entretenus.




Haut du four (entonnoir)


Il y a quelques années, la poix noire a coulé de nouveau du four restauré du Trémolet. La mairie d' Usson, l'association Trait d' Union et les habitants de ce hameau, soucieux de leur patrimoine, réalisaient l'exploit de redonner vie à une technique ancestrale.


Procédé:

« Le pin sylvestre est ordinairement mis à la poix pour six ans et d'un seul côté; si on l'y met de trois côtés, on l'épuise; le quatrième côté est toujours conservé intact pour laisser monter la sève ... On enlève progressivement l'écorce de l'arbre jusqu'à la hauteur de cinq pieds (1,62 m). Si on ne veut que de la résine, on recueille celle qui découle et on la fait fondre dans des chaudières. Si l'on veut faire de la poix, on coupe la partie de l'arbre où est la résine, en petites bûches minces, que l'on place en faisceaux et le plus perpendiculairement possible, dans un four construit ad hoc, et ouvert par le sommet. Par cette ouverture, on met le feu à l'extrémité supérieure de ces bûches couvertes de résine, et la matière liquéfiée par la chaleur coule et s'échappe par deux canaux pratiqués à la base du four, lesquels aboutissent à un grand bassin de pierre, d'où ensuite on l'extrait encore chaude pour la verser dans des creux pratiqués en terre, où elle est réduite en masses pesant environ 38 à 40 livres ancien poids. Ces masses se nomment des bouillons. » (J.M. Duplessy in « Essai statistique sur le Département de la Loire », pages 388 et 389, année 1818)


Voici un exemple de contrat de vente d'arbres, courant à l'époque (tout autant que le bail à dolage dans lequel le bailleur gardait le branlant du bois)

En 1771, Louis Bachelard, laboureur de La Breure, paroisse d' Usson, Jeanne Gallet sa femme, Antoine Marsanne son gendre et Marianne Bachelard sa fille, pour acquitter une partie de leurs dettes, vendent à Sieur Jean-Baptiste Mouton, marchand d' Usson, 2000 arbres garnis à prendre et choisir dans tous les bois dépendants du domaine desdits mariés Bachelard et Gallet situés audit village de La Breure ou autres tènements circumvoisins, tant sur ceux qui sont déjà ouverts et mis à la dole que sur ceux qui n'ont point encore été mis à la dole … avec pouvoir audit Sieur Mouton de faire doler, piquer et poiraisiner la susdite quantité de 2000 arbres garnis, à merci et volonté, pendant l'espace de 7 années après lequel temps ledit Sieur Mouton sera tenu de faire abattre lesdits arbres pour les réduire en bûchers sur place et en faire l'enlèvement dans 2 autres années, en telle sorte que la place desdits bois soit vide et débarrassée de ladite quantité d'arbres vendus dans 9 années à compter de ce jour, la vente ainsi faite moyennant le prix et somme de 750 livres ... (Archives Départementales de la Loire, notaire Me Sigean)



J. Soudy