La sieste ce n'est pas que pour les fainéants !
Publié par ART'M Créateurs associés, le 22 mars 2017 4.9k
14:12, j'ai les yeux qui me piquent. Mes paupières sont lourdes, mes muscles sont endoloris et ma tête tombe sans que je lui en donne l'ordre. Je ne fais pas partie des 19 % de Français qui s'assoupissent ou s'endorment au travail, mais je n'en suis pas loin. ( l’Institut national du sommeil et dela vigilance, 2014)
Et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Ce manque de sommeil va très vite avoir raison de mon entrain. Dans les heures qui suivent, ma concentration va baisser, les engrenages de mon imagination resteront bloqués et il ne faudra pas venir me titiller car je ne serais pas d'humeur à rigoler.
Quand je pense qu'à l'époque où j'avais encore la chance de pouvoir faire la sieste sans passer pour un fainéant, je ne la faisais pas. Entouré de mes camarades de petite section de maternelle, tous blottis confortablement dans les bras de Morphée, et de mes deux comparses poupi et nounours, qui par leur statut de peluches n'avaient aucunement besoin de dormir, je n'arrivais pas à fermer les yeux.
Maintenant tous mes collègues ont les yeux grands ouverts et moi j'aimerais les fermer juste quelques minutes .
Pour les convaincre des bienfaits de la sieste, je pourrais leur parler d'Einstein, d'Hugo, d'Edison ou encore de Leonard de Vinci qui s'adonnaient à une sieste quotidienne pour recharger les batteries de leur génie. Il y a aussi Dali, l'inventeur de la sieste cuillère, qui consistait à s'asseoir confortablement dans un fauteuil, une cuillère à la main, et à poser sur le sol, à la verticale de la cuillère, une assiette. Il ne lui restait plus qu'à se relaxer, se laisser aller, entrer dans cette première phase de sommeil réparatrice, laisser son esprit s'égarer pendant quelques minutes sans ne jamais sombrer dans un sommeil trop profond. La cuillère était là pour sonner le réveil qui, en tombant de la main trop relaxée du peintre,atteignait l'assiette et produisait un bruit de vaisselle brisée. Un réveil qu'il était difficile d'ignorer.
"Et si Einstein sautait d'un pont, tu le ferais ?"
Non… pas forcément le bon argument, il m'en faut plus.
Je pourrai me pencher du côté des sciences. De plus en plus de recherches scientifiques montrent les bienfaits de la sieste. Et la liste est longue !
La sieste réduit le stress, restaure l'attention, améliore les relations humaines, augmente la qualité du travail, réduit les erreurs, accroît les performances, améliore la mémoire, libère la créativité, réduit la pression artérielle, augmente la concentration,permet une bonne récupération musculaire, rééquilibre le fonctionnement du système nerveux, améliore l'humeur, permet de rester dynamique… Elle peut même permettre de vaincre certaines insomnies. Pratiquée quotidiennement,une sieste de 15’ peut faire gagner jusqu’à 2 heures de sommeil par jour, un investissement avec un intérêt de 800% en somme !
Selon Michel Tibert, neurologue au centre de sommeil de Toulouse, l'être humain est génétiquement programmé pour avoir tendance à s'endormir vers 14/15 heures. On observe sur cette période une baisse des fréquences respiratoire et cardiaque entraînées par notre horloge interne, bien plus chronométrée qu'une envie de pisser..
Tient ça me rappelle qu'une étude scientifique publiée dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism a mis en avant, par des analyses d'urine et de salive, certains bienfaits de la sieste. Les auteurs ont imposé à 11 sujets une courte nuit de 2 heures. Le matin une importante concentration de noradrénaline était présente dans leur urine et une faible concentration d'interleukine 6 dans leur salive. La noradrénaline est une hormone qui joue un rôle important dans le stress et qui augmente le rythme cardiaque, la tension artérielle et la glycémie ; l'interleukine 6 permet de lutter contre les virus. Il a suffi à ces sujets de faire une sieste pour que ces concentrations reviennent à la normale.
Des scientifiques de l'Université Amherst au Massachusetts (USA) se sont eux aussi intéressés à la sieste. Ils ont montré que l'absence de sieste, chez les enfants qui en éprouvent le besoin, diminue nettement certaines de leurs aptitudes intellectuelles. Un problème plus que conséquent puisque les siestes du début d'après-midi ne sont réservées qu'aux très jeunes enfants.
Même la NASA s'est penchée sur la question et à montré que la sieste augmentait la productivité au travail de 35%.
Et s'ils hésitent encore, je pourrai parler des 18 milliards de dollars, ça impressionne toujours un gros chiffre et encore plus lorsque c'est de l'argent. 18 000 000 000 $, l'estimation de la National Sleep Foundation représentant le gain de productivité que l’introduction de la sieste pourrait apporter seulement aux Etats-Unis.
Il n'en reste pas moins que, comme le dit Philippe Cabon, ergonome et chercheur à l'IUniversité Paris V Descartes, « La sieste est encore trop souvent associée à la flemmardise. » En tout cas dans notre culture, car si l'on se déplace de quelques milliers de kilomètres vers l'Est, la méridienne comme l'appelait Napoléon n'a pas du tout la même place dans la société. Au Japon elle est obligatoire dans certaines entreprises, à Taiwan elle est obligatoire dans certains collèges et lycées, certaines entreprises chinoises allongent le temps de pause du midi pour permettre aux employés de faire la sieste et en Corée du Sud il existe depuis de nombreuses années des lieux pour faire la sieste dans certaines entreprises et des bars à sieste existent en centre-ville.
Nous avons encore du chemin à faire pour que l'idée d'une sieste sur son lieu de travail ne soit plus vue comme "farfelues" pour 36 % des dirigeants d'entreprises et pour que les 47% la jugeant envisageable passent à l'acte. (étude de 2014 du cabinet Robert et Half)
Mais certaines actions donnent l'espoir de pouvoir un jour faire une sieste en dehors des toilettes, comme de nombreux français l'avouent, seulement sous l'anonymat d'un questionnaire.
On peut noter par exemple les salles de sieste mises en place dans l'usine Renault de Plessis-Robinson, aux sièges de Danone, de Google, des entreprises Novius, Lea Nature, PriceWaterhouse ou encore citer la municipalité de Vechta en Allemagne qui impose à son personnel une sieste de 20 minutes et qui encourage des cours sur l’art de la sieste.
A Saint-Etienne, c'est la bibliothèque universitaire de la faculté de Médecine qui a fait le premier pas : une salle de sieste a été installée pour les étudiants qui ont besoin de fermer les yeux quelques minutes entre deux festins de connaissance afin éviter l'indigestion. Pas moins de 15 à 20 étudiants peuvent s’y croiser chaque après-midi.
Les bars à sieste commencent aussi à fleurir de ci de là : ZZZEn à Paris, My Cup of timeà Lyon, Au petit répit d’Isana à Belfort
Avec tout ces arguments, je sens que je pars gagnant.
Mais imaginons que j'arrive à me convaincre, à les convaincre, de faire une sieste journalière. Il reste une question qui a toute son importance : Comment fait-on une sieste ? Je ne savais pas encore faire du vélo la dernière fois que je me suis laissé aller à piquer un somme en après-midi.
Existe-t-il des techniques ? Peut-on s’entraîner à faire la sieste ?
Après quelques recherches, je découvre qu'il existe différents types de sieste.
Il y a la sieste normale, la plus facile à maîtriser. Elle dure entre 10 et 20 minutes et elle peut se pratiquer allongé comme assis.
Dans le cas d'un sieste dans son fauteuil, le dos doit être droit, la tète appuyée en arrière, les jambes et les bras décroisés. Ensuite il faut commencer à ralentir sa respiration, le rythme de ses pensées, se décontracter, se laisser aller… Et ne pas oublier de programmer un réveil ! Car se réveiller au milieu d’une phase de sommeil profond est douloureux et peut rendre l'après-midi encore plus difficile à vivre.
Au réveil il ne faut pas se brusquer, il faut respirer profondément,
s'étirer les bras, les jambes et la nuque avant d'ouvrir les yeux.
Ceci n'est pas la meilleur position par exemple.
Il existe également la sieste flash. D'une durée de 1 à 5
minutes, elle se rapproche plus d'une période de relaxation sans sommeil. Elle
demande un certain entrainement pour arriver à récupérer en si peu de temps.
Pour commencer, il faut desserrer ceinture, cravate, et chaussures puis
s'allonger ou s'asseoir confortablement. Ensuite une respiration profonde avec
le ventre doit être réalisée afin d'essayer de « décrocher ». Il ne
faut pas hésiter à s'étirer et à bailler.
Pour finir : la sieste royale ! Une sieste d'1h30. Un cycle du sommeil. Celle-ci est beaucoup moins recommandée car il faudra quasiment autant de temps à notre corps pour sortir de l'état cotonneux du réveil (pour rester poli).
Dans tous les cas, il faut éviter de pratiquer la sieste après 17 heures car elle peut retarder l'endormissement.
Comme il est 17 heures passé, je vais donc rester éveillé et aller visiter la Biennale du Design qui se trouve sous mes pieds. Là je tombe nez à nez sur un projet : "La nap bar" de S marin, des matériaux conçus et découpés pour permettre une sieste de qualité. Mais malheureusement il est interdit de toucher donc encore plus de s'allonger.
Cette visite a titiller ma curiosité, je me suis donc penché du côté des designers ayant travaillé sur le sujets. De nombreux projets m'ont interpellé dont ce caisson plutôt futuriste pour faire une sieste dans les bonnes conditions.
Ou encore ce pantalon dessiné pour la sieste.
L'époque de la sieste dans les bottes de paille est, pour sûr, révolue.
Ce qui me fait penser à Picasso et à Van Gogh qui ont à leur manière fait l'éloge de la sieste.
Ça a l'air confortable comme ça mais venant de la campagne je ne peux m'empêcher de penser que le foin ça ne fait pas semblant de piquer ! Je préfère sans hésiter le sol de mon bureau !
Oui car depuis le moment où j'ai commencé à écrire cet article, je me suis essayé à l'exercice de faire la sieste, qui commence à devenir avec le temps une habitude qui me tient à cœur
Et vous, faites-vous la sieste ? Vous avez des anecdotes, vous
connaissez des œuvres d'art ou des projets sur le sujet ? Partagez-les avec
nous dans les commentaires !
Kévin
ART'M - Créateurs associés
Merci à Ling, Chaewon et Rani
L'exposition CLOCK est présentée jusqu'au 30 juin au CCSTI La Rotonde : http://www.ccsti-larotonde.com/CLOCK,807
Informations sur l'accueil de l'exposition : info@artm.fr