Esperan Padonou, un ingénieur reconverti, au service du développement social et économique de l'Afrique
Publié par Baptiste Abélès Et Quentin Marbach, le 19 septembre 2021 4.7k
Entretien avec Espéran Padonou, Ingénieur Civil des Mines de la promotion 2009 et actuel directeur de la Fondation Vallet. Propos recueillis par Quentin Marbach et Baptiste Abélès (Ingénieur Civil des Mines de la promotion 2020).
Pouvez-vous nous raconter votre parcours professionnel de l’enfance à aujourd’hui ?
J’ai grandi au Bénin où j’ai fait mes études jusqu’à l’obtention de mon diplôme du BAC (ndlr : E. Padonou a même été major du baccalauréat béninois). J’ai alors eu la chance de bénéficier d’une bourse d’études offerte par la Fondation Vallet qui m’a permis de poursuivre mes études en France, en classes préparatoires au Lycée Louis-le-Grand. J’ai ensuite intégré l’Ecole des Mines de Saint-Etienne où je me suis spécialisé dans les statistiques. Je suis actuellement directeur de la Fondation Vallet et je suis également chargé d’enseignement et de recherche à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne et à l’Université de Paris Marne-la-Vallée où je donne des cours de Data Science.
En quoi consiste concrètement votre rôle de directeur de la Fondation Vallet ?
Pour caricaturer, mon travail se résume à recevoir des coups de fil et courriers, et à répondre à une quantité astronomique de courriels. Par exemple : “Doit-on s’investir dans tel partenariat ? Combien de personnes embaucher dans le cadre d’une activité ?” etc. La Fondation Vallet intervient dans 3 pays : la France, le Bénin et le Vietnam et les questions relatives à ces pays sont de différents ordres.
Je dirai que le plus simple c’est le Vietnam. Mes collègues et moi ne parlant pas vietnamien, nous sommes simplement représentés là-bas par une association : Rencontre du Vietnam. Nous élaborons ensemble le budget, finançant en moyenne 2200 bourses par an, et nous définissons les critères utilisés pour définir les futurs boursiers (lycées d’excellence, cas sociaux, régions géographiques, etc). Nous finançons également quatre bibliothèques. Au Vietnam je suis plus dans du quantitatif et je délègue beaucoup.
En France c’est différent car nous sommes dans le feu de l’action. Nous avons un jury spécialisé dans les écoles d’art appliqué, chargé de remettre près de 300 bourses chaque année. Nous remettons également des bourses aux étudiants modestes mais souhaitant intégrer les prestigieuses classes préparatoires parisiennes.
Le Bénin c’est le gros morceau de la Fondation. Nous sommes opérons là-bas via deux ONG. Il y a trois types d’activités majeures : les bourses, les bibliothèques et les prisons.
Notre service dans les prisons a été formalisé en 2018 sur proposition de l’Agence Pénitentiaire du Bénin, un service du Ministère de la Justice. Il consiste à financer les soins des détenus et à leur donner accès à la lecture. Pour les bourses d’études, nous en donnons 1000 chaque année. La sélection des bénéficiaires est faite au regard du classement des élèves aux examens nationaux. Enfin nous avons un réseau de 9 bibliothèques (scolaires ou universitaires) au Bénin avec plus de 1.500.000 de lecteurs par an. Le défi c’est de pousser les Béninois à venir lire.
Outre les tâches administratives, le suivi financier et la définition de la stratégie de la Fondation en lien avec le Président Odon Vallet, j’ai un rôle à mi-chemin entre diplomatie et management : répartir les programmes au sein de la Fondation et des différentes associations/ONG qui nous relaient. Enfin la Fondation a pour ambition de jouer un rôle de conseillère dans la définition des politiques publiques. Ainsi nous donnons de notre temps pour répondre aux sollicitations des gouvernements béninois et vietnamien, mais également français. A titre d’exemple nous insistons auprès d’eux sur l’intérêt de donner peu de bourses aux étudiants africains, mais avec un montant conséquent, plutôt qu’une grande quantité de bourses, correspondant à des montants faibles. Il est heureux d’entendre un chef d’Etat français prononcer dans son discours un paragraphe entier écrit par soi…
La Bibliothèque Bénin Excellence / Fondation Vallet de Godomey a la particularité d'être la plus grande d'afrique francophone.
En quoi votre formation et votre expérience d’ingénieur vous aident-elles dans votre métier ?
Etant statisticien de formation, j’en profite pour résumer en chiffres l’ensemble des données issues des sélections que nous organisons : âge moyen du boursier, revenus moyens des parents, analyse textuelle : quel mot est le plus utilisé dans les lettres de motivation ? Cette année c’était covid-19, psychologie, dépression etc. La Fondation brasse une quantité astronomique de données qui n’était pas valorisées à la bonne hauteur. Je travaille actuellement à mettre en place un observatoire de recherche dont l’objectif sera de valoriser les données issues de nos programmes dans le respect du droit français, du droit vietnamien, du droit béninois et du droit international.
Lorsque que nous soignons les prisonniers, là encore je fais parler les statistiques. S’il n’est pas possible de juger l’efficacité d’un médecin qui soigne les détenus, il est néanmoins utile de le comparer à ses confrères d’un point de vue quantitatif. Cela permet de contrôler les dépenses, mon budget, et d’être plus impactant. Le social et l’humanitaire méritent autant de rigueur et de méthode que l’industrie et la Finance.
Comment intégrez-vous la notion de résilience dans votre travail ?
Par notre action dans les prisons, nous permettons aux prisonniers de se reconstruire après leurs erreurs. C’est un sujet controversé car certains pensent que la Fondation ne devrait pas intervenir dans les prisons. Toutefois, cela nous paraît essentiel car si nous ne le faisons pas, personne ne le fait. S’occuper des soins des prisonniers est indispensable pour leur réinsertion, c’est pour cela que nous travaillons de manière étroite avec le gouvernement.
Pourquoi insister sur les écoles d’art de l’Académie de Paris ?
Lorsqu’on veut travailler dans l’ébénisterie ou la bijouterie après son BAC, on doit généralement passer un CAP ou BAC Pro, et on perd le statut d’étudiant. On ne peut donc plus bénéficier des bourses “classiques”, ce qui conduit certains à se retrouver dans des situations extrêmement précaires. Paris est la zone qui concentre le plus d’étudiants mais c’est aussi là que les logements sont les plus chers.
Y-a-t-il une démarche particulière pour être éligible à ce type de bourses, ou est-ce vraiment vous qui venez chercher les élèves les plus méritants ?
Nous essayons au maximum de prendre les devants en ciblant les meilleurs établissements, les plus modestes, et nous allons ensuite chercher les élèves les plus adaptés à nos critères. Nous sommes capables d’aller chercher au lycée Henri IV, le fils d’un commis de cuisine ou d’un couple d’ouvriers, qui vient d’être admis en classes préparatoires. La majorité des étudiants qui candidatent sont ceux que nous sommes venus chercher mais il est tout à fait possible de candidater librement bien que les chances soient beaucoup plus faibles.
Selon vous le départ de l’Afrique vers des pays occidentaux est-il un passage obligé pour mieux aider son pays ?
Je ne pense pas que ce passage soit obligé mais il accroît les chances d’y arriver, d’autant plus qu’il offre une ouverture d’esprit sur le monde et notamment sur d’autres façons de travailler dont une certaine modernité qu’on n’a pas toujours en Afrique. Pour ma part, il y a un véritable transfert des connaissances de la France vers le Bénin et j’essaie de ramener au Bénin ces nouvelles visions du monde. Je pense par ailleurs qu’il faut faire la différence entre travailler en Afrique et travailler pour l’Afrique. Certes, je réside en France, mais la moitié de ce que je fais contribue au développement du Bénin. Récemment deux étudiants béninois, ayant bénéficié de la bourse Vallet, ont intégré la Banque Mondiale. Bien qu’ils résident à Washington, ils agissent dans les intérêts économiques du Bénin.
La politique serait-elle la continuité logique de votre parcours engagé ?
Beaucoup de gens me disent en effet que je ne peux qu'aller en politique après la Fondation Vallet et qu’ils ne voient pas d'autre issue possible. Pour l’instant, la politique me fait un peu peur, d'abord parce que beaucoup de gens finissent en prison dans les pays africains quand ils s’engagent en politique (rires).
C'est vrai que c’est une question que je me pose avec d’autres Africains qui ont des niveaux de responsabilités similaires. Le budget de la Fondation Vallet, qui se compte en plusieurs millions d’euros, n’est pas loin de ceux de certains ministères dans les pays pauvres. En termes de grandeur, peut-on faire mieux sans trop se disperser ?
Si je devais faire de la politique, je partagerais une vision de l’Afrique dont le premier besoin ne serait pas dans les grandes compétences, mais d'abord un minimum de justice et d'équité. Et je parle de justice non pas en termes de procès ou de condamnation, mais de justice en termes de répartition des richesses entre régions, de justice en termes de sélection du bon élève pour bénéficier d’une bourse, de justice en termes d’attribution de subvention à l'artisan qui en a le plus besoin. Si on arrive à régler ces petits problèmes, mine de rien, on aura résolu la plus grosse partie des difficultés de l’Afrique. Car, l'argent circule en Afrique et quelqu'un a dit : “L’Afrique est un continent pauvre rempli d'hommes riches”. Je pense qu’en Afrique, si on arrive à faire des choses simples mais avec un souci de justice dès le début, cela sera déjà une grande avancée.
Avez-vous déjà rencontré Mahamadou Issoufou et que vous inspire son parcours ? Mahamadou Issoufou fut président du Niger de 2011 à 2021, il est passé par l'École des mines de Saint-Étienne de 1977 à 1979, d'où il sortit avec le diplôme d'ingénieur civil des mines.”
J’ai déjà pris une photo avec Mahamadou Issoufou lors de sa venue à l'Ecole des Mines, j’en garde un très bon souvenir. C’est quelqu’un que j’ai encore plus apprécié ces deux dernières années, il n’a pas voulu s’éterniser au pouvoir, n'a pas été tenté par l'autoritarisme et il a voulu absolument transmettre le pouvoir pacifiquement. Je pense qu’on peut le féliciter et être fier de lui. L'Ecole pourrait bien l'afficher en disant qu’on a formé quelqu’un qui a été président dans son pays et qui n'a pas voulu rester dictateur et s'éterniser au pouvoir.
Quand j'avais rencontré Mahamadou Issoufou il y a une dizaine d’années, on lui avait demandé si, avec l’étendue du Niger et son exposition au soleil, il n'aurait pas envie d’investir dans l'énergie solaire par exemple. Mahamadou Issoufou avait eu une réponse assez étrange : il avait dit que ce qu’il voulait pour le Niger, c'est l'énergie nucléaire parce qu'ils ont de l’uranium et qu'il souhaitait, grâce à cette énergie nucléaire, alimenter toute l’Afrique de l’Ouest. Au fond, c'était très ambitieux.
Et pourquoi cela n’a pas marché ? Le nucléaire souffre certes d’un manque de popularité parfois injustifié mais ce projet aurait pu être bénéfique pour le Niger et l’Afrique sur le long terme tout en étant moins néfaste pour l’environnement que des centrales à gaz ou à charbon ? La biomasse est notamment la première source d’énergie utilisée au Niger. Elle représente 74% du mix énergétique national et les produits pétroliers 22%. L'usage actuel des énergies renouvelables -solaire, éolienne et hydroélectrique- ne représente que 0,01% du mix énergétique national. La production d'électricité au Niger qui joue un rôle mineur dans la consommation d'énergie du Bénin, est quant à elle exclusivement (99,2%) créée à partir des sources en pétrole, gaz et charbon et fortement dépendante des exportations du Nigéria.
Le plan sécuritaire a dû être son premier frein avec toute la menace djihadiste qui plane sur la zone. La question est de savoir si le Niger aurait eu la capacité de défendre ses centrales nucléaires s'il y avait des attaques…
La vision occidentale a radicalement changé ces dernières années et aujourd’hui la question de la durabilité et la notion de développement durable sont des enjeux majeurs. Le Bénin et les pays africains en général dont on parle comme des “pays en développement” ont une situation extrêmement différente d’un point de vue social et économique. Comment selon vous le Bénin et l’Afrique intègrent-ils la notion de durabilité à leur développement ?
Le Bénin est champion d’Afrique du coton et les Béninois en sont pour la plupart assez fiers. J’ai un avis plus nuancé car cela nous amène sur le long terme à une désertification du territoire. Je pense avoir plus de recul que certains Béninois en matière de développement durable. Aujourd’hui j’ai l’impression qu’on se précipite et qu’on commet les mêmes erreurs que celles commises par les Occidentaux autrefois. On investit dans les pesticides et engrais chimiques dans le but d’augmenter nos rendements. On a les yeux rivés sur le quantitatif. Il existe certaines ONG, mais je dirai qu’elles sont encore à l’état de semences, qui veillent et prennent des initiatives durables.
Je pense que nous avons la chance d’être informé d’un enjeu dont les pays occidentaux étaient ignorants au moment de leur développement, et qu’il est certes plus facile d’agir socialement et économiquement sans s’encombrer du défi environnemental, mais qu’il est aussi de notre devoir de ne pas commettre les mêmes erreurs. Après c’est toujours compliqué car la précarité, encore très présente, est un enjeu qui a souvent tendance à faire oublier l’environnement et le respect de la vie. Nous sommes l’un des continents à taux d’ensoleillement élevés et il me paraît indispensable de profiter au maximum de nos atouts. Aujourd’hui l’énergie solaire commence à se développer au Bénin même si le marché est monopolisé par des entreprises chinoises.
Lorsque vous travaillez en Afrique ou en France, ressentez-vous cette différence de mentalité dans cette approche du développement ?
Lors d’une étude sur la production des laits des vaches, j’étais chargé de déterminer avec des collègues béninois, à partir de quel âge, une vache n’était plus assez productive. En échangeant avec des chercheurs ayant fait une étude assez similaire en France, je me suis rendu compte que l’aspect du bien-être animal était totalement absent de notre étude. Lorsque j’ai fait ce constat à mes collègues africains, on m’a même qualifié de “Blanc” (ndlr : à comprendre dans le sens “Européen”). Je pense qu’il est nécessaire d’apporter cette dimension humaine et éthique dans le travail en Afrique et de faire prendre conscience que cela bénéficiera sur le long terme. La science et l’ingénierie ont un rôle à jouer dans ce débat.
Dans les faits, les populations les plus isolées, je pense notamment aux populations rurales, ont-elles vraiment accès à cette électricité renouvelable ? Le taux d’électrification (pourcentage de la population ayant accès à l'électricité) au Bénin était de 27,7 % en 2015 mais en milieu rural, il est de 6,3% en 2015, bien qu’il ait presque doublé en 5 ans. Au niveau mondial, il était à 87%. La source d’énergie principale est la biomasse (50,6% en 2015) devant le pétrole (46, 7% en 2015).
Je peux vous dire que le solaire est aujourd'hui très développé au Bénin. Par exemple, dans le village de mon père, chacun à une forme de lampe alimentée par un panneau photoélectrique sur son toit. Il récupère de l’énergie dans la journée et la nuit, cela permet d’alimenter une lampe et de brancher un téléphone. Dans les milieux reculés, c'est une énorme possibilité pour les gens. L’avantage de cette énergie sur le plan économique, par rapport aux grands barrages hydroélectriques ou au nucléaire, c'est que l’on n’a pas besoin de plusieurs milliards d'investissements au départ mais on peut commencer à le faire maison par maison. Je pense que pour des pays qui ont peu de moyens, il est économiquement plus avantageux d’investir dans le solaire plutôt que d’engloutir des milliards dans de grosses centrales. Mais pour un dirigeant, c'est toujours plus impressionnant d'installer de grandes choses car c'est un signe de grandeur : il faut inaugurer ! L'histoire retiendra que c'est monsieur X qui l'a fait...
Vous avez eu un parcours très riche avant de rejoindre la Fondation, vous avez notamment travaillé dans de grands groupes en tant qu’ingénieur statisticien, qu'est-ce qui vous a motivé à quitter votre métier ? Y a-t-il eu un déclic ou était-ce finalement une décision mûrement réfléchie de travailler à la Fondation Vallet ?
Mon plan de carrière a, en réalité, beaucoup changé depuis que j’ai intégré l’Ecole des Mines. J’y ai rencontré Olivier Roustant, le meilleur prof de mathématiques et statistiques de l’école, un homme extraordinaire, qui a été fondamental dans mon orientation. Pourtant lorsque que je suis arrivé à l’école, mes intentions étaient claires : je voulais faire de la finance et gagner un maximum d’argent afin d’aider mes parents. Il n’a eu cesse de faire des propositions qui m’ont systématiquement plu car il me voyait davantage dans les maths appliquées qu’en finance. Il m’avait proposé notamment un stage dans l’industrie, chez STMicroelectronics, avec un sujet très intéressant alliant la micro-électronique et la prévision, qu’il m’était difficile de refuser étant donné mon goût pour les maths et la physique. Il m’avait également averti du côté « esclavagiste » de la finance : c’est un argument très convainquant pour moi qui mentionne souvent l’abomination qu’est l’esclavage. J’avais malgré tout gardé à l’esprit, l’idée de faire de la finance, mais à la fin de mon stage, un manager, Hugues Duverneuil, intéressé par mes travaux, m’avait proposé de faire une thèse avec lui. Docteur est un titre très apprécié au Bénin, même docteur en ramassage d'ordures, ça impressionne beaucoup plus qu’être ingénieur des mines. Cela m’ouvrait une perspective de de retour au Bénin et d’y enseigner à l’université.
Pendant ma thèse, Odon Vallet, le président de la Fondation qui m'avait donné ma bourse, m'avait proposé de l'accompagner au Bénin pour me montrer les activités de sa Fondation. Il avait été impressionné par ma connaissance du terrain (les gens, le système, la géographie...). A la fin de ma thèse, j’avais déjà passé cinq années à travailler bénévolement avec lui (le week-end, je faisais du suivi des activités de la Fondation, des rapports financiers, de la médiation, etc.) J'avais eu des propositions d'emplois chez Total, Cdiscount ou EDF et lorsque que j’ai appelé Monsieur Vallet pour avoir son avis, il m’a proposé une option de plus qui était de venir à la Fondation en tant que directeur. C’est avec un grand plaisir que j’ai accepté sa proposition. La possibilité d’avoir un pied en Afrique et de contribuer à son développement a été un élément clé, même si j’ai dû faire des concessions sur le salaire. La Fondation, c'est aussi le Vietnam qui offre un côté à la fois rigoureux et « exotique », et surtout la France : ce pays qui m'a adopté, qui m'a permis d’être ce que je suis. Il y avait une forme de reconnaissance et cela me permettait de boucler la boucle. Finalement, bien plus qu’un déclic, c’est une véritable histoire qui m’a amené à la direction de la Fondation Vallet.
Odon Vallet et Espéran Padonou
L’ingénieur d’aujourd’hui a-t-il le devoir de se mobiliser pour l’enjeu climatique, en outrepassant son simple statut de scientifique et en atteignant d’autres sphères comme la politique ?
En effet, sur de nombreuses questions d’actualité, je remarque que l’on manque de raisonnement scientifique et de hauteur. Quelqu’un avec une méthode scientifique mais sans expérience est aussi légitime qu’une personne qui ne fait que de la pratique. Le débat autour de la nécessité du masque en France en est un exemple…
J’ai une anecdote intéressante à ce propos. Quand M. Vallet a proposé à la Fondation de France mon CV pour le poste de directeur de la Fondation Vallet, certains responsables avaient estimé que mon profil n’était pas adapté. Pour eux, un ingénieur civil des mines allait s’ennuyer par les problématiques de gestion, d’association et de philanthropie, au point de démissionner au bout de 3 mois. Ils se sont trompés, ils l’ont reconnu et je me suis très bien entendu avec eux au final. Mais ce fait montre que l’on peut être discriminé en tant qu’ingénieur dans certains métiers, alors que cela faisait 5 ou 6 ans que je travaillais bénévolement pour la Fondation. Puis, à la tête de la Fondation, j’ai initié tellement de choses que je ne m’ennuie pas. Je pense qu’en tant qu’ingénieur, il nous revient de garder toute notre lucidité pour faire le métier qui nous plait malgré ceux qui pensent le contraire.
Cet entretien a été réalisé dans le cadre du cours “Résilience et Transition” aux Mines de Saint-Étienne. Nous remercions Espéran pour sa sympathie et sa chaleurosité ainsi que Éric Piatyszek et Natacha Gondran pour avoir permis de réaliser cette rencontre très enrichissante.
Quentin Marbach et Baptiste Abélès (Ingénieur Civil des Mines, promotion 2020).
crédits image : Espéran Padonou, darimage, netImage, Fondation Vallet