Méfiez-vous de ce qui brille dans votre nez…

Publié par Cyrielle Anthony, le 4 février 2019   2.8k

Vous remarquez que vos narines scintillent légèrement ? Ce pourrait être dû à la présence de staphylocoques dorés. Pas de panique, en réalité, le nom de ces bactéries provient de sa couleur « or » lorsqu’elles sont cultivées. De son nom scientifique Staphylococcus aureus, cette espèce de bactérie pathogène entraîne de nombreuses pathologies de gravité variable chez l’homme et l’animal. En effet, le staphylocoque doré est considéré comme la cause majeure de diverses infections comme certaines apparitions de pu sur la peau. Il peut également provoquer des bactériémies - présence de bactéries dans le sang -, des intoxications alimentaires, ou encore des infections liées à des prothèses et autre matériel médical. Se trouvant dans le nez de plus de 30% de la population, il n’y a pas d’inquiétude à avoir si vous en faites partie. Une présence de staphylocoques n’est pas synonyme d’infection, puisqu’en général, la bactérie est commensale, donc inoffensive pour notre organisme. Le problème vient du fait que les infections qu’elle engendre sont souvent nosocomiales : elles sont contractées dans le milieu hospitalier. Malgré un traitement proposé pour éliminer tous les staphylocoques, 8 patients infectés sur 10 le sont à cause de leurs propres staphylocoques, suite à une intervention chirurgicale. Cela est dû au fait que les bactéries sont capables de s’infiltrer à l’intérieur de nos cellules, de les utiliser comme un cheval de Troie. Elles deviennent donc invisibles pour notre système immunitaire, et même pour les antibiotiques.

Mais alors, que faire face à cette bactérie si les antibiotiques sont inefficaces ? Estelle AUDOUX, jeune doctorante au laboratoire GIMAP (Groupe Immunité des Muqueuses et Agents Pathogènes) de Saint-Étienne, travaille sur le sujet : sa thèse porte sur le devenir du staphylocoque après son entrée dans nos cellules. Ses recherches sont primordiales, car il est impossible de trouver une solution sans comprendre ce qui se passe. Depuis plus d’un an, Estelle A. cultive des cellules similaires à celles de nos narines, afin de connaître les réactions du corps humain face aux staphylocoques.

Par exemple, il est possible d’avoir un ordre de grandeur du taux d’intrusion de la bactérie grâce au dénombrement cellulaire. Cette expérience consiste à exposer la culture de cellules du laboratoire à des staphylocoques, puis de compter les staphylocoques s’étant introduits dans les cellules, en éliminant ceux qui restent à l’extérieur des cellules. Estelle AUDOUX peut également identifier le niveau d’alerte des cellules : celles-ci produisent, en réponse à la présence de bactéries, de nombreuses protéines – et notamment des cytokines – afin de se protéger. Le type et la quantité de protéines produites par les cellules sont donc des indicateurs importants pour savoir à quel point les cellules sont attaquées. Pour mesurer ces protéines, l’immunofluorescence est l’un des procédés possibles. Il s’agit de l’utilisation d’anticorps, couplés à une substance brillante, qui vont spécifiquement reconnaître et marquer certaines protéines. Une apparition de couleur signifie que la protéine est produite par la cellule. Plus les cellules sont colorées, plus elles ont produit la protéine d’intérêt.

Mais la quantité produite n’est pas la seule caractéristique des protéines étudiée, il est également possible de les distinguer par leur taille. La technique du « Western Blot » consiste à faire migrer des protéines sur une plaque, à l’aide d’un champ électrique (cela est possible car les protéines sont chargées électriquement). Selon leur taille, les protéines ne migreront pas sur la même distance ce qui permet de les identifier.

Enfin, pour comprendre comment agit la bactérie dans les cellules, il est possible de générer des bactéries dites « KO » (knock-out). Il s’agit de produire des bactéries dépourvues d’une certaine toxine choisie pour l’expérience, afin de comparer leur comportement avec celui de bactéries normales. Cela permet de comprendre le rôle des différentes toxines dans les cellules.

Les résultats de ces expériences pourront en inspirer plus d’un, puisque le staphylocoque doré n’est pas présent qu’en France. Aux États-Unis, une sous-espèce de la bactérie, nommée « USA300 », est un important problème de santé publique, à cause de son fort taux de résistance aux antibiotiques. De plus, cette bactérie n’est pas la seule capable d’entrer dans les cellules humaines pour se protéger. Les travaux d’Estelle AUDOUX seront donc d’une précieuse aide dans la recherche d’un traitement contre cette bactérie et tant d’autres. En attendant, il est déconseillé de se mettre les doigts dans le nez.