Quelques plantes toxiques du Massif central Partie III : le houx (Ilex aquifolium)
Publié par Jacques Bourgois, le 29 novembre 2023 1.5k
… Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleurs.
Victor Hugo, Les Contemplations, 1847
Avec ce poème, Victor Hugo célèbre la vie éternelle de sa fille Léopoldine grâce à ce bouquet de houx qui garde sa couleur verte toute l’année (synonyme de vie éternelle) et de bruyère qui est perpétuellement en fleur. Le houx a toujours été un arbre sacré depuis la nuit des temps, c’est sans doute pour cela qu’on lui connait un grand nombre de noms vernaculaires comme Laurier piquant, Agriou, Bois franc pour ne citer que ceux-là. Le houx est piquant, nous en avons tous fait l'expérience mais est-il si toxique que cela?
Le houx est un arbuste des sous-bois grâce à son aptitude à la photosynthèse en hiver, poussant jusqu’à 1500 mètres d’altitude sur terrain frais plutôt acide mais également sur terrain calcaire à condition que l’humidité de l’air soit suffisante. Il résiste au gel jusqu’à -15°C environ. Le houx est exceptionnel, en effet lorsqu’il est jeune il forme des buissons impénétrables et avec le temps (il peut dépasser 300 ans) les troncs dispersés des buissons fusionnent pour donner un grand arbre. Les feuilles ovales et luisantes ont une couleur vert foncé avec des bords ondulés et épineux (les épines n’existent plus chez les sujets âgés). Persistant sur la plante environ 3 ans, elles sont plus épineuses en période hivernale afin d’éloigner les animaux brouteurs. Les fleurs de couleur blanche à rosée, de petite taille (5 à 6 mm), tétramères (4 pétales, 4 sépales, 4 étamines) apparaissent à l’aisselle de feuilles entre mai et juin et sont pollinisées par les insectes volants. Les fruits n’existant que sur les pieds femelles, sont des baies à noyau de 8 à 10 mm de diamètre de couleur verte puis jaune puis rouge éclatant à maturité (fin d’été). Ces baies perdurent tout l’hiver et sont disséminées par les oiseaux (merles, pigeons ramiers ou grives) qui en sont friands.
Toute la plante est toxique à des degrés divers, elle figure en bonne place des causes de consultation des centres antipoison notamment lors des fêtes de fin d’année pendant lesquelles les enfants peuvent être tentés de goûter à ces si jolies baies rouges qui décorent les buches de Noël.
* Les fruits contiennent un alcaloïde nommé ménisdaurine qui peut provoquer des douleurs abdominales intenses, des vomissements, des diarrhées violentes, des convulsions menant jusqu’au coma puis au décès. Les premiers symptômes apparaissent dès l’ingestion de seulement deux baies, des cas mortels ont été observés si la dose ingérée est égale à une vingtaine de baies. Mais cet alcaloïde pourrait être utile car il agirait contre le virus de l’herpès (virus d’Epstein-Barr) pouvant provoquer mononucléose infectieuse et/ou sclérose en plaque. Il serait également un potentiel antitumoral. Ces deux aspects sont encore du domaine de la recherche médicale.
Menisdaurin | C14H19NO7 | ChemSpider
* Les principaux principes actifs des feuilles sont l’ilicine (alcaloïde amer), l’acide caféique et la théobromine. L’ilicine provoque vomissement et diarrhées, et ayant une structure chimique proche de celle de la quinine c’est un bon fébrifuge, elle a également des propriétés antispasmodiques intéressantes. La théobromine est un alcaloïde utilisé en médecine comme diurétique, vasodilatateur et cardiostimulant. Il est soupçonné augmenter les risques d’apparition de cancer de la prostate. Il inhibe l’excitation et augmente la sécrétion des hormones ayant des effets positifs sur l’humeur (on le trouve également dans le chocolat, heureusement la concentration de cet alcaloïde y est si faible que l’on peut en absorber sans danger…même en grande quantité).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Théobromine
* L’acide caféique est quant à lui un antioxydant et un anti-inflammatoire. Des études ont montré que l’acide caféique pourrait être utilisé dans les traitements des cancers du sein et du colon, mais ces recherches n’en sont encore qu’au stade préliminaire.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_caféique
Usages :
* Le bois de houx est très apprécié des maquettistes et des marqueteurs, il est lourd, de couleur blanc nacré et facile à travailler. Il connait ainsi de nombreux emplois artisanaux : canne, manche d’outil, … les plus célèbres objets en bois de houx sont la canne de Goethe et la baguette magique de Harry dans Harry Potter.
* Phytothérapie et homéopathie : les décoctions de feuilles de houx ont été préconisées dans le passé contre les rhumatismes, la fièvre, les coliques intestinales et l’épilepsie. Des cataplasmes de feuilles de houx ont été également utilisés pour soigner abcès et furoncles. Les baies ont également été prescrites comme purgatif. L’élixir floral de Bach de houx est censé réharmoniser les esprits négatifs comme la haine, la jalousie, la malveillance, l’envie, la suspicion, la cupidité et la vengeance … mais aucune preuve scientifique n’a été apportée sur ce point.
* Chasse : l’écorce du houx traitée convenablement fournit une excellente glu pour piéger les oiseaux, cette pratique est maintenant abandonnée.
Pour la petite histoire :
Le houx a été, depuis la nuit des temps, un arbre sacré. Il était considéré comme tel par le dieu romain Saturne. Les Saturnales fêtées à la fin de l’année romaine, comportaient des échanges de cadeaux garnis de feuilles de houx. Toujours vert, il échappe au temps et se voyait attribuer des vertus protectrices qui sont à l’origine de nos traditions dans les fêtes de fin d’année.
Le houx était un arbre sacré pour les druides et les druidesses celtiques, il est associé au dieu Cuchulaïnn qui incarne le savoir et l’héroïsme. C’est également un arbre magique, en effet pourquoi a-t-on une branche de houx chez nous pendant l’hiver ? c’est pour que les fées et les elfes des forêts y trouvent refuge en souffrant moins du froid.
Du mot houx, dérivent de nombreux autres mots peu usités, mais existant toujours dans le dictionnaire, comme houssaie (lieu planté de houx), houssine (baguette en bois de houx), houssoir (balai de branches de houx), houssiner (battre avec un houssoir) … transformé plus tard en ‘houspiller’ (maltraiter).
Langage des fleurs : le houx est la représentation de la protection et de la force
A suivre : le Gui
Pour en savoir plus :
Georges Becker, Plantes toxiques, Edition Gründ, Paris, 1995
Frantisek Stary, Plantes médicinales, Edition Gründ, Paris 1992
Fleurs familières et méconnues du Massif central, Edition Debaisieux, Beaumont 2000
Guide de la flore de Haute-Loire tome 1, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2008
Guide de la flore de Haute-Loire tome 2, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2010
ANSES, Fiche d’information, Plantes toxiques en cas d’ingestion, Maison-Alfort 2021 (ANSES-Ft-Plantes-toxiques-ingestion-2021.pdf)
Bienvenue sur le site des plantes toxiques (toxiplante.fr)
Plantes Risque (plantes-risque.info)
Microsoft Word - PLANTES TOXIQUES_web*_txtFR.docx (plantentuinmeise.be)
Liste des Plante toxique - Encyclopédie - Conservation Nature (conservation-nature.fr)
Nom des plantes et des toxines sur votre moteur de recherches favori