Quelques plantes toxiques du Massif central Partie X : la Ciguë aquatique (Cicuta virosa)

Publié par Jacques Bourgois, le 31 mai 2024   550

Robespierre, si tu bois la Ciguë, je la boirai avec toi !

Partie du discours de Jean-Louis David au Club des Jacobins (08 thermidor, an II)

Autres noms de la Ciguë aquatique : Persil des marais, Fenouil d’eau, Ciguë vénéneuse, ou Navet du Diable. Si les deux premiers noms vernaculaires semblent sympathiques, les deux derniers incitent à la plus grade prudence.

Les Ciguës sont des plantes herbacées appartenant à la famille des Apiacées (anciennement Ombellifères) comme la carotte, le fenouil ou le persil. Il existe trois sortes de Ciguë mais la Ciguë aquatique ou Ciguë vireuse ne semble exister dans le Massif Central qu’autour des lacs lozériens de l’Aubrac. C‘est une plante vivace de 60 à 100 cm de hauteur poussant dans les lieux marécageux, les eaux fraiches peu profondes ou encore le long des cours d’eau ou étangs. Les parties aériennes ont une odeur et une saveur semblables à celles du céleri ou du persil…mais surtout ne pas goûter lors de la reconnaissance de la plante. La tige dressée épaisse et creuse est finement striée et porte des feuilles alternes très divisées, vertes très luisantes à pétiole creux. Les petites fleurs blanches visibles de mai à juillet, sont disposées en grandes ombelles composées de 10 à 25 ombellules. Les fleurs attirent de nombreux insectes dont des coléoptères et fructifient d’août à septembre. Les fruits sont globuleux avec des rides épaisses. La racine pivotante est charnue et cloisonnée, ses cavités renferment un suc jaunâtre à odeur désagréable.

Toute la plante est très toxique, elle l’est 10 fois plus que les autres Ciguës qui sont plus répandues en France. Les parties souterraines renferment la plus grande concentration de Cicutoxine, alcool fortement insaturé qui est un perturbateur du système nerveux central empêchant l’action des neurotransmetteurs.

Cicutoxine : C17H22O2

Cicutoxin - Wikipedia

Les effets apparaissent 15 minutes après l’ingestion de tout ou partie de la plante : brûlure buccale, hyperthermie, tachycardie, tremblements, convulsion, troubles cardiaques entrainant la mort. Aucun antidote n’est connu, seuls des traitements symptomatiques peuvent être utilisés afin d’améliorer le taux de survie : administration de charbon actif pour réduire l’absorption du poison, le maintien des voies respiratoires ouvertes, une réhydratation et l’administration de benzodiazépine qui empêcherait la fixation de la cicutoxine sur les récepteurs agissant sur le système nerveux central.

Exemples d’empoisonnement accidentel :

  • un garçon de 10 ans a utilisé la tige de la ciguë pour faire un sifflet : il est mort quelques heures après l’avoir utilisé
  • un garçon de 14 ans est mort au bout de 5 heures après avoir confondu la racine de Ciguë avec une Carotte sauvage
  • une famille a été gravement intoxiquée en confondant racine de Ciguë avec du Panais

Mais fort heureusement, les accidents dus à la consommation de racine sont rares du fait de sa saveur abominable. Il convient de toujours se laver les mains après manipulation de la plante, de ne pas l’ingérer et de tenir les enfants hors de portée.

Utilisation médicale : la Ciguë aquatique a été employée à des fins médicales comme antispasmodique, expectorant, diurétique, analgésique ou antiépileptique. Les chirurgiens l’employaient comme anesthésiant local avant amputation ! Au début du XXe siècle, elle avait la réputation d’être antituberculeuse, elle calmait la toux, facilitait l’expectoration et augmentait l’appétit des malades.

De nos jours, elle n’est plus utilisée en allopathie du fait de sa dangerosité. Il semblerait que le caractère dangereux serait moins important pour la plante séchée.

Elle est néanmoins employée en homéopathie pour soulager l’épilepsie, les spasmes, les vertiges, les insomnies ou encore certaines dermatoses.

Les ciguës dans l’Antiquité : elles étaient le poison officiel au temps de la Grèce antique.

A Athènes, le philosophe grec Socrate (470 ou 469 av. J.C. -399 av. J.C.) fut accusé de corrompre les jeunes gens membres de l’aristocratie en remettant en question les valeurs traditionnelles et en les encourageant à penser de manière indépendante « Je ne peux apporter de connaissances à un homme, mais je peux le faire réfléchir ». Pour cela il fut condamné à mort et emprisonné. Ses amis voulurent le faire évader mais il refusa au motif que : « le respect des lois était plus important que ma propre personne ». Avant sa mort, sa femme Xanthippe se plaignit qu’il fut condamné injustement et il lui répondit « Aurais tu préféré que ce soit justement ? Anytos et Mélétos peuvent me tuer, ils ne peuvent me nuire ». Il a ensuite été empoisonné en buvant une coupe de broyat de graines fraîches de Ciguë.

Mort de Socrate, Jacques-Louis David, 1787, Metropolitan Museum of Art, New York

Confusion possible avec des plantes alimentaires : les Ciguës (grande, petite ou aquatique) peuvent être confondues avec la carotte sauvage, le panais, le cerfeuil des bois ou encore le carvi.

  • La caractéristique qui différencie la Grande Ciguë des autres Ciguës est la forme du pétiole de ses feuilles qui est cylindrique alors que les autres plantes citées dans ce paragraphe ont un pétiole parcouru sur toute sa longueur par une rainure.
  • La Petite Ciguë est entièrement glabre (non velue), a une odeur désagréable et le dessous des feuilles est nettement luisante.
  • La Ciguë aquatique pousse dans les milieux humides, les folioles ne sont pas divisées contrairement au persil et au fenouil et enfin le tubercule est creux.

Les informations données ci-dessus ne sont pas suffisantes pour utiliser ces plantes avec précision…mieux vaut ne pas les ramasser et ne les regarder que de loin.

Langage des fleurs : le Ciguës symbolisent le courage et la persévérance nécessaires pour vaincre les obstacles rencontrés.

A suivre : le Lupin

Pour en savoir plus :

Georges Becker, Plantes toxiques, Edition Gründ, Paris, 1995

Frantisek Stary, Plantes médicinales, Edition Gründ, Paris 1992

Fleurs familières et méconnues du Massif central, Edition Debaisieux, Beaumont 2000

Guide de la flore de Haute-Loire tome 1, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2008

Guide de la flore de Haute-Loire tome 2, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2010

ANSES, Fiche d’information, Plantes toxiques en cas d’ingestion, Maison-Alfort 2021 (ANSES-Ft-Plantes-toxiques-ingestion-2021.pdf)

Bienvenue sur le site des plantes toxiques (toxiplante.fr)

Plantes Risque (plantes-risque.info)

Microsoft Word - PLANTES TOXIQUES_web*_txtFR.docx (plantentuinmeise.be)

Liste des Plante toxique - Encyclopédie - Conservation Nature (conservation-nature.fr)

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